Je discutais écoutais un vieillard cet après-midi pendant cinq minutes, m’expliquant qu’à notre âge il travaillait durant soixante-dix heures par semaine, que son père avait fait la guerre, que la jeunesse actuelle n’a plus de respect pour la génération précédente, cette bande de fainéant qui veulent pas travailler. J’acquiesse. Après tout j’étais entrain de travailler et cette personne me fait perdre mon temps et mon énergie. Mais visiblement son ressentiment est fort, ce qui me stimule à écrire cet article aujourd’hui.
Il est une idée fort répandu dans la société que la valeur d’une vie peut se mesurer aux efforts fournis, aux souffrances vécus, à l’abandon de soi, au profit des autres. Cela se retrouve avec une certaine fierté pour le travail. Après tout, un enfant n’est-il pas élevé aujourd’hui pour travailler plus tard? Le travail n’est-il pas perçu comme une étape nécessaire de la vie d’un être humain dans notre société actuelle?
Le travail n’est pas une finalité en soi. Comme beaucoup de personnes de ma génération, ou de coach en développement personnel, nous ne nous faisons pas trop d’illusions là-dessus. Mais c’est une valeur très certainement sur-estimée pour ce qu’elle est. Sésame pour intégrer la société, fonder une famille, sécuriser son avenir, à partir du moment où des personnes travaillent, je vois régulièrement des personnes devenir autres, plus distantes, plus orgueilleuse vis-à-vis de ce qu’ils font. L’oisiveté ou le capital, ou tout moyens de réussites devient une sorte de contre-vérité. D’ailleurs n’y-a-t-il pas un message répandu que celui qui travaille est dans la VRAIE RÉALITÉ?
Par ailleurs le travail est une valeur tellement sur-estimée, qu’elle prévaut sur tout état de conscience chez certains. Après tout, l’élevage et l’abattage d’animaux donnent du travail à des millions de personnes. Tout comme les grandes entreprises qui basent leurs marketings sur l’apparente nécessité de consommer leurs produits, font tourner de nombreuses usines. Je ne mets pas plus haut que les autres en disant cela. Cela me ferait peut-être mal au cul de bosser pour des élevages d’animaux ou des fast-food, mais pour le reste, tant qu’on me paye à la fin, pas grand chose ne me dérange. Tant que je suis conscient des effets du système.
J’en arrive à mon opinion personnelle, mais sûrement répandu : le travail est un moyen de parvenir à ses fins. Pourquoi travaille-t-on? Après tout en économie pure, le travail n’est que l’inter-section d’une offre et d’une demande. Pourquoi je travaille?
Voici quelques raisons personnels :
-La rénumération. Contrairement à d’autres, je ne suis pas tatillon sur quelques centimes près de l’heure, mais je ne suis pas bénévole non plus.
-Les opportunités futures. Cela me permet de montrer ma valeur et de connaître de futurs contacts.
-Apprendre et avoir un regard nouveau. Cette semaine avec l’intérim, je fais de la manutention, de la vente, de la caisse et de la préparation de buvettes (c’est une semaine pleine d’opportunités). Tout ceci pour des entreprises différentes. Cela me permet d’apprendre et d’acquérir des expériences et des compétences sur des domaines dont je ne me sentais pas forcément capable (en particulier dans la vente), mais aussi de découvrir une nouvelle facette de l’économie, les « métiers invisibles », et de comprendre un peu mieux l’application empirique de concept théorique (double pléonasme). J’aime aussi avoir une vision générale des choses, les liens entre les différents métiers. Et plus je travaille dans différents secteurs, plus cette vision s’affine et donne du sens à ce que je fais.
-Pour survivre. Pour cette raison, je ne suis pas bénévole. Et je ne dis pas non plus « pour vivre ». La plupart des fanas de l’enrichissement personnel vous diront que le travail est un moyen sur le court-terme d’acquérir du capital pour permettre de créer par la suite des systèmes de revenus passifs, qui leur permettront de s’occuper moins de leurs survies ou de leurs avenirs, mais de profiter plus de leurs vies et de celles de leurs entourages. Si j’avais la possibilité et la technique pour créer et prospérer des revenus « hors-travail », des assets, des actifs, je me préoccuperai peut-être moins de travailler, ou de chercher du travail.
-Parce que j’aime travailler. Aussi une raison pour laquelle je ne suis pas tantillon sur le revenu ou le dépassement d’horaires (si c’est une petite demie-heure), c’est que j’aime le travail bien fait. Beaucoup de gens préfèrent le minimum syndical, tout comme certains étudiants visent la moyenne pour passer aux prochains semestres. Je suis plutôt bonne poire sur ce principe-là. J’emprunterai le deuxième principe de la richesse de T. Harv Eker : « Les riches jouent au jeu de l’argent pour gagner et non pour « ne pas perdre » ». Je vise toujours plus haut que la moyenne et le minimum (même si parfois je ne suis pas réaliste…), et faire du bon boulot est une bonne exigence en soi. Tout comme j’essaye de graver dans ma tête (mais c’est pas gagné) que chaque avance ne doit pas donner par la suite vers une baisse des objectifs.
-Pour la confiance en soi. Je manque cruellement de cette qualité et ceci pour une raison qui m’est familière : j’ai une tendance à rester trop passif, et sûrtout à élargir de 4-5 heures mon temps de sommeil. Rester trop longtemps dans son lit est une mauvaise chose en soi. Parce que ne rien faire donne l’impression tenace qu’on est capable de ne rien faire. Alors que depuis trois semaines j’ai trois exemples qui me prouvent le contraire. Vous allez rire, mais le moment où j’ai cru le plus que j’étais incapable de courir, ce fut le matin du marathon avant de partir. Avant ce travail d’enquêteur, je croyais être nul en vente, et là je suis celui qui recrute le plus. Et puis, j’étudie peu aussi parce que j’ai peur de ne pas comprendre ou de me rendre compte que je suis nul, ce qui a eu pour résultat de me taper 1,5 en économétrie la semaine dernière, alors qu’il suffisait d’une seule heure de révisions pour me donner au moins 2 points en plus, parce que j’avais compris. Comme le St-Thomas qui croit que ce qu’il voit, ma confiance se limite souvent à ce que je réalise dans le présent, dans le visible. C’est une croyance limitante : nous sommes capables de beaucoup plus que ce qu’on croit. Et le travail justement renforce ma confiance dans des tâches dont je me pensais nul.
-Pour la structure. Dans le développement personnel, le concept de zone de confort (dont j’ai écrit 40 brouillons mais pas un seul article tellement cela me tient à coeur de parler de manière claire et précise de l’étendu infini et de l’impact énorme que peut avoir cette idée sur nos vies et notre société, et dans toutes les disciplines, et toutes les théories, et toutes les matières (économie, sociologie, histoire, science, lettres, etc…) est fort répandu. L’idée fort répandu en développement personnel est que pour vivre pleinement sa vie, il faut sortir de sa zone de confort, ne pas chercher la sécurité, dépasser ses peurs, ses habitudes, etc…Mais on oublie souvent que tout le monde a besoin d’une zone de confort et que, sans un effort constant ou au contraire des événements destructeurs, nous nous construisons tous sur le long-termes un cadre structurant, suivant notre logique, que ce soit en créant un système de survie, en s’adaptant à la situation, ou en créant des réseaux sociaux. L’absence de cadre et de discipline peut mener à une forte précarité. Le travail est un lieu, une entreprise, des règles, des horaires et des salaires plus ou moins fixes qui permettent justement à l’individu d’être productif. Tout comme il m’est pratiquement impossible d’étudier chez moi ou en présence d’ordinateurs, la bibliothèque universitaire est un lieu, un cadre qui me permet d’être studieux là où ailleurs je ne le suis pas. La sécurité et une certaine forme d’encadrement (la meilleure étant celle qu’on se crée nous-mêmes) sont des facteurs à ne pas négliger dans notre développement.
-Pour la sociabilité. L’entreprise, tout comme l’université, est un vecteur social. Je ne suis pas très bon pour me faire des amis et encore moins pour les garder. Mais dès qu’il s’agit de travail, cela donne de la matière à discuter entre des personnes, stimuler un esprit de camaraderie ou d’équipe, donner la possibilité d’ouvrir des conversations ou de créer des liens sociaux pour ensuite dériver sur d’autres sujets, ou d’autres formes de relations comme l’amitié. Comme la plupart des gens je n’aime pas particulièrement la solitude, et le travail me permet ainsi d’avoir au moins l’impression de faire parti d’un groupe.
-Pour la passion. Le travail imposé m’emmerde et ne m’incite pas à faire des efforts paradoxalement. Pour preuve, le rapport de stage que je n’arrive pas à finir. Alors que je suis capable de travailler sérieusement mes techniques à la batterie pendant deux heures à chaque fois que j’en ai le temps. Alors que justement, je peux vous écrire un pavé sur ce blog sans la moindre difficulté, par simple inspiration. Dans cette optique, je prends aussi du plaisir à travailler sur certaines missions.
-Pour me vider la tête. Comme je l’ai écrit dans l’article précédent, j’ai un esprit plutôt plaintif (même si ça commence à aller mieux). Quand je travaille, j’ai un objectif, un certaine nombre d’actions à accomplir et à répéter, et comme écrit au-dessus, un cadre structurant. Je n’ai pas à me poser trop de questions, à faire face à mes soucis personnels, ou à trop philosopher sur la pourritude de ma vie. Travail, point barre. Dans ce sens, j’ai expérimenté pour la première fois la manutention hier. Même si je suis intellectuel, si je pouvais faire du travail manuel plus souvent, J’ADORERAIS!
-Pour la valeur ajoutée dans la société. C’est peut-être une illusion quand on fait certains travaux pour des grosses entreprises capitalistes, mais travailler donne l’impression d’apporter à la société sa propre valeur. Même avec des petits travaux, dans des petits jobs sans forcément grande importance dans une sorte d’usines à gaz gigantesques, on peut croire que ce qu’on les fait contribue aux biens-êtres d’autres personnes, même une petite contribution. Même si il faut garder les yeux ouverts sur les potentiels conséquences graves de la société actuelle et de certaines décisions administratifs des entreprises.
M’enfin voilà les raisons pour lesquels je veux travailler. Je n’en tire pas une grande fierté à partir pour les accomplissements personnels. Et je ne crois pas que je vis sur cette terre pour travailler, mais qu’au contraire le travail est un moyen, un vecteur pour réaliser de plus grandes choses et assouvir mes intérêts. Je n’espère pas être de ces gens âgés, ou de ces personnes méprisantes qui tireront un orgueil de leur travail, jugeront la vie des autres à l’aune de leurs efforts. Je n’aimerais pas non plus être de ces personnes qui croit que plus on porte un lourd fardeau, plus on souffre et donc plus on est méritant. C’est du bullshit! D’ailleurs ceux qui vivent une vie épanouie le savent très bien.