De la valeur du travail

Je discutais écoutais un vieillard cet après-midi pendant cinq minutes, m’expliquant qu’à notre âge il travaillait durant soixante-dix heures par semaine, que son père avait fait la guerre, que la jeunesse actuelle n’a plus de respect pour la génération précédente, cette bande de fainéant qui veulent pas travailler. J’acquiesse. Après tout j’étais entrain de travailler et cette personne me fait perdre mon temps et mon énergie. Mais visiblement son ressentiment est fort, ce qui me stimule à écrire cet article aujourd’hui.

Il est une idée fort répandu dans la société que la valeur d’une vie peut se mesurer aux efforts fournis, aux souffrances vécus, à l’abandon de soi, au profit des autres. Cela se retrouve avec une certaine fierté pour le travail. Après tout, un enfant n’est-il pas élevé aujourd’hui pour travailler plus tard? Le travail n’est-il pas perçu comme une étape nécessaire de la vie d’un être humain dans notre société actuelle?

Le travail n’est pas une finalité en soi. Comme beaucoup de personnes de ma génération, ou de coach en développement personnel, nous ne nous faisons pas trop d’illusions là-dessus. Mais c’est une valeur très certainement sur-estimée pour ce qu’elle est. Sésame pour intégrer la société, fonder une famille, sécuriser son avenir, à partir du moment où des personnes travaillent, je vois régulièrement des personnes devenir autres, plus distantes, plus orgueilleuse vis-à-vis de ce qu’ils font. L’oisiveté ou le capital, ou tout moyens de réussites devient une sorte de contre-vérité. D’ailleurs n’y-a-t-il pas un message répandu que celui qui travaille est dans la VRAIE RÉALITÉ?

Par ailleurs le travail est une valeur tellement sur-estimée, qu’elle prévaut sur tout état de conscience chez certains. Après tout, l’élevage et l’abattage d’animaux donnent du travail à des millions de personnes. Tout comme les grandes entreprises qui basent leurs marketings sur l’apparente nécessité de consommer leurs produits, font tourner de nombreuses usines. Je ne mets pas plus haut que les autres en disant cela. Cela me ferait peut-être mal au cul de bosser pour des élevages d’animaux ou des fast-food, mais pour le reste, tant qu’on me paye à la fin, pas grand chose ne me dérange. Tant que je suis conscient des effets du système.

J’en arrive à mon opinion personnelle, mais sûrement répandu : le travail est un moyen de parvenir à ses fins. Pourquoi travaille-t-on? Après tout en économie pure, le travail n’est que l’inter-section d’une offre et d’une demande. Pourquoi je travaille?

Voici quelques raisons personnels :

-La rénumération. Contrairement à d’autres, je ne suis pas tatillon sur quelques centimes près de l’heure, mais je ne suis pas bénévole non plus.

-Les opportunités futures. Cela me permet de montrer ma valeur et de connaître de futurs contacts.

-Apprendre et avoir un regard nouveau. Cette semaine avec l’intérim, je fais de la manutention, de la vente, de la caisse et de la préparation de buvettes (c’est une semaine pleine d’opportunités). Tout ceci pour des entreprises différentes. Cela me permet d’apprendre et d’acquérir des expériences et des compétences sur des domaines dont je ne me sentais pas forcément capable (en particulier dans la vente), mais aussi de découvrir une nouvelle facette de l’économie, les « métiers invisibles », et de comprendre un peu mieux l’application empirique de concept théorique (double pléonasme). J’aime aussi avoir une vision générale des choses, les liens entre les différents métiers. Et plus je travaille dans différents secteurs, plus cette vision s’affine et donne du sens à ce que je fais.

-Pour survivre. Pour cette raison, je ne suis pas bénévole. Et je ne dis pas non plus « pour vivre ». La plupart des fanas de l’enrichissement personnel vous diront que le travail est un moyen sur le court-terme d’acquérir du capital pour permettre de créer par la suite des systèmes de revenus passifs, qui leur permettront de s’occuper moins de leurs survies ou de leurs avenirs, mais de profiter plus de leurs vies et de celles de leurs entourages. Si j’avais la possibilité et la technique pour créer et prospérer des revenus « hors-travail », des assets, des actifs, je me préoccuperai peut-être moins de travailler, ou de chercher du travail.

-Parce que j’aime travailler. Aussi une raison pour laquelle je ne suis pas tantillon sur le revenu ou le dépassement d’horaires (si c’est une petite demie-heure), c’est que j’aime le travail bien fait. Beaucoup de gens préfèrent le minimum syndical, tout comme certains étudiants visent la moyenne pour passer aux prochains semestres. Je suis plutôt bonne poire sur ce principe-là. J’emprunterai le deuxième principe de la richesse de T. Harv Eker : « Les riches jouent au jeu de l’argent pour gagner et non pour « ne pas perdre » ». Je vise toujours plus haut que la moyenne et le minimum (même si parfois je ne suis pas réaliste…), et faire du bon boulot est une bonne exigence en soi. Tout comme j’essaye de graver dans ma tête (mais c’est pas gagné) que chaque avance ne doit pas donner par la suite vers une baisse des objectifs.

-Pour la confiance en soi. Je manque cruellement de cette qualité et ceci pour une raison qui m’est familière : j’ai une tendance à rester trop passif, et sûrtout à élargir de 4-5 heures mon temps de sommeil. Rester trop longtemps dans son lit est une mauvaise chose en soi. Parce que ne rien faire donne l’impression tenace qu’on est capable de ne rien faire. Alors que depuis trois semaines j’ai trois exemples qui me prouvent le contraire. Vous allez rire, mais le moment où j’ai cru le plus que j’étais incapable de courir, ce fut le matin du marathon avant de partir. Avant ce travail d’enquêteur, je croyais être nul en vente, et là je suis celui qui recrute le plus. Et puis, j’étudie peu aussi parce que j’ai peur de ne pas comprendre ou de me rendre compte que je suis nul, ce qui a eu pour résultat de me taper 1,5 en économétrie la semaine dernière, alors qu’il suffisait d’une seule heure de révisions pour me donner au moins 2 points en plus, parce que j’avais compris. Comme le St-Thomas qui croit que ce qu’il voit, ma confiance se limite souvent à ce que je réalise dans le présent, dans le visible. C’est une croyance limitante : nous sommes capables de beaucoup plus que ce qu’on croit. Et le travail justement renforce ma confiance dans des tâches dont je me pensais nul.

-Pour la structure. Dans le développement personnel, le concept de zone de confort (dont j’ai écrit 40 brouillons mais pas un seul article tellement cela me tient à coeur de parler de manière claire et précise de l’étendu infini et de l’impact énorme que peut avoir cette idée sur nos vies et notre société, et dans toutes les disciplines, et toutes les théories, et toutes les matières (économie, sociologie, histoire, science, lettres, etc…) est fort répandu. L’idée fort répandu en développement personnel est que pour vivre pleinement sa vie, il faut sortir de sa zone de confort, ne pas chercher la sécurité, dépasser ses peurs, ses habitudes, etc…Mais on oublie souvent que tout le monde a besoin d’une zone de confort et que, sans un effort constant ou au contraire des événements destructeurs, nous nous construisons tous sur le long-termes un cadre structurant, suivant notre logique, que ce soit en créant un système de survie, en s’adaptant à la situation, ou en créant des réseaux sociaux. L’absence de cadre et de discipline peut mener à une forte précarité. Le travail est un lieu, une entreprise, des règles, des horaires et des salaires plus ou moins fixes qui permettent justement à l’individu d’être productif. Tout comme il m’est pratiquement impossible d’étudier chez moi ou en présence d’ordinateurs, la bibliothèque universitaire est un lieu, un cadre qui me permet d’être studieux là où ailleurs je ne le suis pas. La sécurité et une certaine forme d’encadrement (la meilleure étant celle qu’on se crée nous-mêmes) sont des facteurs à ne pas négliger dans notre développement.

-Pour la sociabilité. L’entreprise, tout comme l’université, est un vecteur social. Je ne suis pas très bon pour me faire des amis et encore moins pour les garder. Mais dès qu’il s’agit de travail, cela donne de la matière à discuter entre des personnes, stimuler un esprit de camaraderie ou d’équipe, donner la possibilité d’ouvrir des conversations ou de créer des liens sociaux pour ensuite dériver sur d’autres sujets, ou d’autres formes de relations comme l’amitié. Comme la plupart des gens je n’aime pas particulièrement la solitude, et le travail me permet ainsi d’avoir au moins l’impression de faire parti d’un groupe.

-Pour la passion. Le travail imposé m’emmerde et ne m’incite pas à faire des efforts paradoxalement. Pour preuve, le rapport de stage que je n’arrive pas à finir. Alors que je suis capable de travailler sérieusement mes techniques à la batterie pendant deux heures à chaque fois que j’en ai le temps. Alors que justement, je peux vous écrire un pavé sur ce blog sans la moindre difficulté, par simple inspiration. Dans cette optique, je prends aussi du plaisir à travailler sur certaines missions.

-Pour me vider la tête. Comme je l’ai écrit dans l’article précédent, j’ai un esprit plutôt plaintif (même si ça commence à aller mieux). Quand je travaille, j’ai un objectif, un certaine nombre d’actions à accomplir et à répéter, et comme écrit au-dessus, un cadre structurant. Je n’ai pas à me poser trop de questions, à faire face à mes soucis personnels, ou à trop philosopher sur la pourritude de ma vie. Travail, point barre. Dans ce sens, j’ai expérimenté pour la première fois la manutention hier. Même si je suis intellectuel, si je pouvais faire du travail manuel plus souvent, J’ADORERAIS!

-Pour la valeur ajoutée dans la société. C’est peut-être une illusion quand on fait certains travaux pour des grosses entreprises capitalistes, mais travailler donne l’impression d’apporter à la société sa propre valeur. Même avec des petits travaux, dans des petits jobs sans forcément grande importance dans une sorte d’usines à gaz gigantesques, on peut croire que ce qu’on les fait contribue aux biens-êtres d’autres personnes, même une petite contribution. Même si il faut garder les yeux ouverts sur les potentiels conséquences graves de la société actuelle et de certaines décisions administratifs des entreprises.

M’enfin voilà les raisons pour lesquels je veux travailler. Je n’en tire pas une grande fierté à partir pour les accomplissements personnels. Et je ne crois pas que je vis sur cette terre pour travailler, mais qu’au contraire le travail est un moyen, un vecteur pour réaliser de plus grandes choses et assouvir mes intérêts. Je n’espère pas être de ces gens âgés, ou de ces personnes méprisantes qui tireront un orgueil de leur travail, jugeront la vie des autres à l’aune de  leurs efforts. Je n’aimerais pas non plus être de ces personnes qui croit que plus on porte un lourd fardeau, plus on souffre et  donc plus on est méritant. C’est du bullshit! D’ailleurs ceux qui vivent une vie épanouie le savent très bien.

Positive Flux

Notre vie est un ensemble d’événements les uns à la suite des autres. Ils sont la manifestation de plusieurs flux qui nous traversent : le sang, les nerfs, les os, la respiration, l’esprit, le corps, l’aspect social, les routes, les chemins traversés, nos finances, les réseaux, la cognition. Tout est en mouvement et il suffit parfois de se poser, de méditer, de rester immobile au milieu de ses flux, ou à contre-pied, pour observer comment tout ceci nous transforme.

Pendant deux jours, j’ai travaillé en tant que recruteur par vente en tête en tête dans des supermarchés. C’est-à-dire que je devais aborder, accrocher, vendre et recruter des personnes pour faire parti d’études nationales. Au cours de ces deux jours, j’ai abordé plus de trois cents personnes. La moitié ont dit non direct, une bonne autre partie ne rentrait pas dans les critères de l’étude, et finalement je n’ai pu recruté que dix personnes.

Même si cela fut épuisant mentalement, par la nécessaire résilience après chaque refus, et cela pour au final peu de résultats, c’est un travail rempli d’enseignements à propos justement de flux.

Tout d’abord, dans la circulation des personnes, il y avait rarement foule. Les gens rentrait dans le supermarché tout seul, en couple et en famille, parfois plusieurs ensemble, mais rarement en masse. On pouvait les aborder un par un la plupart du temps, assez facilement. Sur le moment, on a l’impression qu’il y a peu de mondes, et sur une échelle de temps, on a l’impression de n’avoir abordé pas grand monde. Mais au final, j’ai abordé plus de 300 personnes et une collègue a du en avoir 500 (nous étions six).

Voici donc le premier enseignement : un flux peut paraître d’une intensité très faible, une succession d’évenements et d’actions peu intéressantes. Tout comme un seul « non » peut paraître une remarque insignifiante. Mais sur une période assez grande, il s’est passé beaucoup de choses et si on a accumulé tout ce qui s’est passé, toutes ces petites choses peuvent avoir une influence importante.

J’imagine à peine le moral des mendiants après des années dans la rue, à se prendre des remarques et des dénis d’existence à longueur de journées, mais cela peut très certainement détruire tout un mental.

Aujourd’hui, j’ai pété un câble. Je me sens en ce moment dans l’incapacité d’accomplir certaines tâches cruciales : finir mon rapport de stage déjà en retard, préparer Londres pour cet été, commencer à réviser pour les partiels dans trois semaines, rappeler l’entreprise de mon stage pour les remercier et voir les perspectives d’avenir, voir avec ma proprio la suite des événements (fin de bail). Suite à un simple sms de ma tante pour savoir où j’en étais, j’ai commencé à être démoralisé, voire être à cran, alors que j’avais commencé la journée rempli d’enthousiasme et d’énergies.

Même si j’avais un cours, j’ai commencé alors un exercice que j’avais déjà fait : une catharsis écrite de mes plaintes constantes. Il faut savoir que malgré tout ce que j’ai entendu en développement personnel, j’ai un esprit plaintif à mort. Je me suis mis alors à écrire tout ce qui me donnait raison/prétexte/excuse à me plaindre de ma vie. Cela m’a pris une heure. Je ne me suis pas vraiment forcé à continuer, mais l’intention de me défouler sur le papier plutôt que sur d’autres personnes était là.

J’ai noté 65 raisons de me plaindre et j’aurais pu continuer si je n’avais pas décidé d’arrêter. En parallèle, j’ai voulu commencé à dénombrer les petites comme les grandes choses positives dans ma vie et il faut avouer que j’en ai sûrement beaucoup. Mais je suis arrêté au bout de 10. Je me sentais gêné par ce que je disais de positif sur moi, et rien ne me venait trop en tête.

Donc en gros, pour 1 pensée positive naturelle, je pense 6,5 pensées négatives. Même si je suis à mi-chemin entre un esprit positif et négatif, je n’ai jamais eu l’impression d’avoir un esprit aussi polarisé vers la loose. Et plus que ce qui m’arrive dans la vie, c’est peut-être cet esprit qui influence comment je mène ma vie.

Dans le flux de mes pensées, je viens de réaliser l’importante négativité de mon esprit que ce soit en termes de dévalorisation, croyance dans mon incapacité, pesanteur de ce qui m’arrive, etc… Chacune de ses petites pensées que je croyais insignifiante et volatile, se montre être un tout, un système compacte. Ce dont je me plains dans ma vie n’est finalement qu’en grosse partie, un résultat de cette polarité.

Après avoir réalisé cette catharsis, j’étais un peu plus en paix avec moi-même, comme si j’avais dépoussiéré une partie du bullshit de mon esprit.

La conclusion de cette expérience c’est que tant que j’aurais cette polarité (-) dans le flux de mes pensées, j’aurais beau faire des exercices matinaux, me lever du bon pied, essayer d’avoir des pensées positives, tout cela aura peu d’effet relativement à la montagne de merdes que je m’inflige consciemment, et pire inconsciemment. Au diable le réalisme et le scepticisme et le cynisme. Au diable le désir, la persévérance, l’ambition et le courage. La première des vertus est la positivité. Sans un esprit profondément optimiste, généreux, et aimant, aucun cercle vertueux ne peut se créer durablement.

En ce moment, je me rappelle des paroles de Jim Rohn que j’ai marqué en gros en face de ma batterie :

« Don’t Wish it was easier, Wish you were better. »

Cette idée signifie que rien n’est impossible, mais que toute chose difficile à réaliser ne peut être le fruit du hasard, mais de la détermination à surpasser ses obstacles, à s’améliorer. Toute chose accomplit difficilement devient plus facile avec l’habitude. Et avant même de vouloir réaliser de grandes choses de ma vie, je crois qu’inverser ma polarité est la tâche la plus importante pour mon présent et mon avenir.

Je vais donc opter pour plusieurs exercices du soir pour essayer de passer de cette polarité enraciné dans le négatif, vers un esprit optimiste, abondant et actif.

1-Comme j’ai des difficultés à exprimer des choses positives à mon égard, je vais me mettre à écrire et à exprimer de la gratitude au moins d’une vingtaine de façons différentes par soir. Je ne pensais pas que cela serait important (c’est un conseil largement répandu en dév pers.) mais cela prend tout-à-coup du sens. Remercier, s’encourager, s’aimer, prendre soin de soi et de ses pensées régulièrement.

2-Depuis peu j’ai pris connaissance de la cohérence cardiaque. Tout en se vidant la tête, c’est un exercice efficace.

3-L’ancrage en PNL. Si je devais retenir qu’une idée de la PNL, ce serait celle-ci. J’ai ma propre ancre et quand je pense à l’utiliser, elle est efficace -surtout pour me lever.

4-Prendre soin de soi. Quand je déprime, j’ai remarqué qu’il était très important de faire des petites tâches, d’engranger avec de la patience pour se remettre d’aplomb. On va mal souvent à cause de petites choses très proches, et très facile à réaliser pourtant (faire du ménage, de la cuisine, se lever de son lit, se préparer même quand on a rien à faire de la journée,  par ex.)

5-Réaliser régulièrement cette catharsis de plaintes. Tant que ces plaintes ne sont pas exprimés, elles restent dans notre cerveau et tournent en rond, prenant de la place et dérangeant le reste.  Le coucher sur le papier est pour moi la manière la plus pacifique de les sortir.

6-Méditer. Se détacher de ce monde. Quand j’étais au supermarché entrain de travailler, j’ai remarqué que la plupart des gens ne souriaient pas. Pour aller vers eux, il fallait passer outre le visage fermé et fuyant de certains. Et la plupart du temps cette aspect était complétement involontaire (C’était pas pour nous éviter). Je pense qu’il est important de prendre une certaine distance vis-à-vis de notre propre vie et de la pesanteur de nos problèmes, pour s’ouvrir au monde. La méditation est un moyen qui a eu une réelle efficacité à cet effet, quand je l’utilise.

Si vous avez d’autres idées n’hésitez pas à laisser un commentaire. ; )

 

 

C’est en courant qu’on devient marathonien.

*Je ne vais pas le finir! Je ne me suis pas assez préparé! Et si je n’avais pas envie d’aller jusqu’au bout! Ton objectif est trop grand. Je ne suis pas assez constant*

Le cerveau, cette grande machine à faire des suppositions sur l’avenir…et se planter.

Pourtant, j’ai essayé un peu de tout : Visualiser l’arrivée, visualiser le parcours, me calmer avec de la cohérence cardiaque, Se dire d’attendre le jour J et la course avant de dire des choses qu’on ne croit pas.

Je viens de finir mon premier marathon, et pas le dernier! Levé à 5h30 pour prendre un petit déjeuner, j’y suis allé, j’ai suivi un petit groupe de coureurs vers les stands, et je me suis mis dans le sas des 3h30. Naturellement, comme si les dés en était jetés. Entre temps, on pouvait facilement parler entre coureurs, étant donné cette passion et cette expérience communes.

Après avoir attendu jusqu’à 9h, on s’est lancé. Les premiers kilomètres se sont fait aisément. Je devais courir 5 min au kilomètres et le premier semi s’est déroulé assez facilement, avec cette constance de 4min50 que je ne me soupçonnais pas (d’habitude je cours à des vitesses irrégulières). Champs-Élysée, Concorde, Rue de Rivoli, Bois de Vincennes. Quelques faux plats surmontables. Une appréhension par rapport à la suite, mais sans se prendre la tête. Une vingtaine de minutes sous écouteurs.

21kilomètres.  1h44 soit une trentaine de secondes par rapport au semi-marathon d’Octobre dernier. Pas mal du tout. Je m’arrête une fois au ravitaillement. Le ravitaillement c’est ce truc nécessaire, mais qui peut te faire perdre 30 secondes au kilomètre et te couper dans ton allure (la prochaine fois, j’irais avec une ceinture). C’est le début des difficultés. A tout les kilomètres, je perds de la vitesse. Les quelques secondes que j’avais chapardé durant la première partie s’envole en un poignée de minutes. Je sais alors que je ne ferai pas 3h30. Je m’en fiche. L’important c’est de le finir. Tout le monde commence à me doubler. Cela ne sert à rien d’en faire un plat, à chacun sa course. Mon mur était au semi, tandis que d’autres au bout du 35ème kilomètres.

Bastille. Les quais de Paris. Le tunnel. Le tunnel de 1 kilomètres tout sombre. La Concorde. Re Tunnel. La tour Eiffel est visible, mais là je m’en fiche. J’en suis vers le 27ème kilomètre et l’important est que je maintienne cette allure, certes diminuée, mais qui m’assure de le finir. Les encouragements du public, malgré toutes leurs bonnes volontés, traverse mes oreilles. Ils font l’effort de venir, d’encourager tout le long et certains de mettre de l’ambiance avec des fanfares et des groupes de musiques, mais à l’heure actuelle j’en suis vers le 27ème kilomètre et je mets toute mon énergie avec un mélange de Chemical Brothers  et du Rage Againt The Machine, pour pouvoir continuer.

La Tour Eiffel. 30ème kilomètres. Le début de cette phase difficile pour tout le monde. Je m’arrête pour le ravitaillement. Manger un morceau de banane, un sucre ou une poignée de fruits secs devient nécessaire. Je marche sur cinq mètres et je redémarre vingt secondes après. Mais encore là, ça coupe la vitesse, mais je me relance sans trop de soucis.

Je continue à courir. Je ne veux pas m’arrêter, ni marcher en dehors des points de ravitaillements. Comme toute longue course, je me demande à quoi sert cet orgueil. Si, à me discipliner, à montrer à moi-même ma détermination, à forger cette volonté. Cette volonté qui doit faire fi de ces mauvaises pensées. « Tu ne vas pas y arriver. » « Arrête-toi un peu! ». Je ne me sens pas mal physiquement, juste ralenti par rapport au début. Et puis je sais au fond à partir de ce moment, que je vais aller jusqu’au bout. Sans marcher. Qu’importe le temps qu’il me faudra. Je calcule dans ma tête le temps qu’il me reste pour y arriver. Chaque kilomètre est à la fois une avancée vers la ligne d’arrivée, mais aussi un obstacle à surmonter. Déjà, 30-35kilomètres de parcouru, mais encore une poignée de kms à franchir. Étant au ralenti, ma perception de la distance s’espace. Mais je ne m’inquiète pas, une foulée après l’autre, je finirai bien par y arriver. Je n’essaye pas de me caler sur la course d’une autre personne. C’est ma course que je dois réaliser, pas celle d’une personne que je suivrais.

Le bois de Boulognes. J’aurais aimé un peu de chemins, mais cela reste de la route, voire du pavé. C’est pas très dérangeant. De longues lignes droites d’où on ne voit pas l’arrivée.

Il reste trois kilomètres. C’est à la fois un sentiment confus de continuer en sachant que ça va se finir, on y croit pas, et en même temps de courir comme un laboureur. Le paysage est joli, mais bon sang Vivement que ça se termine!

Plus que deux, plus qu’un. J’entends un spectateur dire qu’il reste 300 mètres (même si il en restait 500). J’accélère. Oui, je mets mes dernières forces pour finir en beauté comme à chaque fois. Mais là c’est un marathon. Là c’est 3h45 de courses dans les jambes, 42km. Autant dire que pousser ces dernières accélérations est d’une jubilation totale.

50 mètres, un nœud dans mon plexus se dénoue. Je trouve là un instant de bonheur totale, que je ne soupçonnais pas avec les derniers kilomètres. BON SANG J’AI RÉALISÉ UN MARATHON QUOI! Aboutissement d’une passion de coureurs, mon premier marathon, sans véritable accroc (Je n’ai pas vu le fameux mur des 35km…je l’avais déjà bien avant). Deux mois et demi d’entraînement, entre intensité, saut de plusieurs séances, stress, excitation, appréhension, doute, affirmation constante pour ne pas fuir, peur d’être sous-alimenté à cause d’un soucis financier la dernière semaine. —- Tout cela s’efface à l’arrivée! Bon dieu, j’y suis arrivé! Il ne reste plus que de la joie.

Je prends ma médaille et le t-shirt de finisher, je reprends une poignée de fruits, de l’eau et du powerade. C’est pas recommandé, mais je m’en fous! J’ai de nouveaux quelques bouffées de cette joie impulsive. Quelqu’un à côté de moi pleure à chaude larmes, on ne sait pas si c’est la joie ou de la peine. C »est une émotion viscérale qui prend aux tripes en un instant, des nerfs qui se lachent.

J’essaye de m’asseoir …je ne peux même pas plier mes jambes. J’ai besoin de quelqu’un qui me tient pour tomber en arrière sans plier les jambes.  Repos. Nécessaire repos. Interdit de s’étirer, voire dangereux. Je retrouve de vue un gars du club. Notre poignée de main est ferme, comme deux personnes qui viennent de remporter une victoire sur soi.

3h48. Sans blessures, sans accroc, au-delà de mes espérances. Je savais que les 3h30 était impossible à mon niveau, mais cela m’a permis de réaliser de bonnes séances d’entraînements. Une expérience unique qui me fait encore dire que notre cerveau peut se créer autant d’histoires qu’il veut sur ce qui va se passer, rien ne remplace l’expérience, du moment. Je croyais avec les images de la télé, ou les paroles des uns et des autres, savoir ce que c’était qu’un marathon, cette longue distance, à la limite de soi.

Le mieux c’est d’encore le vivre!

FINISHER