Écriture

Toutes les déesses-mères filent et tissent […] Tout ce qui existe procède d’elles : à partir de la création et de l’effondrement, elles tissent la tapisserie du monde, dont « les fils apparaissent et disparaissent de façon rythmée. »
Helen Diner, Mothers and Amazons

« Écrire n’a rien à voir avec signifier, mais avec arpenter, cartographier, même des contrées à venir »

Chapitre « Introduction : Rhizome », Mille Plateaux, Deleuze et Guattari

« axaravinyâsa – m. l’art d’assembler les lettres, écriture. » Dictionnaire classique sanscrit-français

Vinyasa est un terme sanskrit qui signifie « synchronisation du mouvement et de la respiration » mais aussi « placer d’une façon particulière ».

Pourquoi écrire, qu’est-ce que écrire?

L’écriture est un acte de centrage, un acte de cartographie, un acte de création, un acte de clarification, c’est un acte de milieu entre une expérience individuelle et intime de la vie, une expérience donc d’introspection, et une expérience collective et universelle de la vie donc une expérience d’extraversion. L’écriture est un acte pour trouver sa place parmi l’ensemble de la création humaine, entre les différents cercles et spirales qui existent dans ce monde. C’est un acte pour dire « Je » Existe, mais qui suis-« Je », qui est ce « Je » qui se revendique unique tout en n’étant jamais vraiment séparé du reste de la création? Qu’est-ce qu’apporte vraiment de plus ce « Je » par rapport aux restes et autres de la conscience? Ce blog est donc d’abord, si on prend le schéma du Gene Keys, un espace pour développer ma « Vocation » d’écriture, ma voie « Particule »ière. Notre individualité, notre conscience individuelle, est comme un point, ou de multiples points, entre ce qui est à l’intérieur du corps que nous sommes et l’extérieur du corps. Et notre existence, nos rêves, est formée de ce que nous consommons, et comment à partir de ces différentes choses que nous consommons nous vivons différentes expériences intimes de soi. Mais dans les deux cas, vivre les choses dans le dedans et dans le dehors, nous pouvons être pris par des forces, des pulsions incontrôlables, qui dépasse nos sens morales, qui dépasse nos capacités à donner et à recevoir. Les énergies qui existent dans l’Univers sont des énergies fortes qui finissent par former une Danse Eternelle où il n’existe plus rien de tangible, ni passé, ni futur, ni même le présent, mais un Eternel Moment Présent renouvelée en permanence en mouvement impermanent. Et soi-même, pris dans toutes les expériences accumulées, nous pouvons ne pas savoir comment « danser ». Ecrire est donc un acte-« point », reprendre les pas de danse que l’on connaît, pour revenir à la Danse. L’Univers n’a ni début, ni fin, mais un milieu, et c’est être capable de se retrouver dans ce milieu.

Le langage n’existe pas intrinséquement à nos expériences individuelles. Il y a différentes manières de penser le langage, et mes dernières expériences collectives d’Ayahuasca en Colombie (où je n’ai pas été capable de parler espagnol à part quelques mots de politesse) m’a montré qu’il y a une nécessité au langage, comme vecteur de communication entre différentes expériences de vie. Le langage, c’est chercher à communier, chercher ce qui est commun. Le langage est le communisme dans son expression la moins idéologique, la plus fondamental. Il y a ce langage écrit, mais le langage c’est d’abord un ensemble de symboles qui peut prendre une infinité de modes d’expressions, si tentés qu’il y a là la volonté de communiquer entre de multiples entités, à minima deux. Une volonté d’harmonisation, de formulation d’accords à partir desquels nous échangeons. L’écriture est un de ces modes d’expression.

Alors partons de ce que je veux transmettre. Partons d’un point sur lequel je me suis mis en accord avec moi-même.

Jésus n’est pas « notre sauveur ». Le message de Jésus est que nous sommes toutes et tous des frères et des soeurs les un.e.s pour les autres. Et que Je-Suis votre frère, frère des frères, frère des soeurs. Ainsi je me dois de vous écouter, tout autant que vous avez à m’écouter, on a toutes et tous à s’écouter.

Mais dans l’immensité que ce que chacune et chacun a à dire, et dans l’immensité de ce qui m’habite, on peut finir par produire un parasitage, un brouahaha incessant. Ainsi ce blog est d’abord quelque chose que je fais pour moi, pour développer ma self-expression en dehors d’un champ social où il n’y a pas l’espace suffisant pour dire tout ce que je ressens que j’ai besoin de dire entre ce que les autres disent. Car je suis conscient qu’un monologue exige une très forte attention d’écoute de la part de l’interlocuteur et de l’interlocutrice, et que l’espace social ne permet pas forcément l’expression du monologue de chacune et chacun. Ainsi sont né les réseaux sociaux, les conférences, les livres, les musées, pour laisser place aux monologues de chacune et chacun dans des espaces où celles et ceux qui le souhaitent peuvent écouter, acceuillir, en ayant la liberté de s’en extraire. Car le monologue peut finir par être vorace, à vouloir capter l’attention de tout le monde autours de soi. Ce blog est donc là pour satisfaire l’apétit vorace de mon dialogue interne sans pour autant dévorer l’existence des autres. Ce blog est là pour structurer, archi-texturer, articuler ce dialogue interne pour finir par le réduire à des éléments simples à partager dans l’espace social, pour finir par revenir au Silence. Le mental est une forme très grossière de l’attention, et il y a une nécessité en permanence d’affiner notre attention, de rendre notre existence moins grossière. Ce blog est là comme première étape d’affinage.

Il s’agit pour moi, de sortir du labyrinthe mental. Et en tant que je suis encore ici, là, maintenant, un « homme », d’apprendre par moi-même à marcher vers la libération. Les femmes ne peuvent pas faire cela à ma place, car c’est déjà prendre leurs propres ressources de libération. Il est donc pour moi un impératif de suivre, et d’apprendre à être ma propre faculté de mouvement, d’autonomie, d’Auto-Nomos, Authonomas. Il s’agit pour moi de revenir au point de bascules vers d’autres mondes, jusqu’au jour où je n’aurais plus besoin d’être de ce monde.

« Le processus de filage nous encourage à détecter la provenance de ces gaz pétrifiants, qui infestent même les corridors profonds de notre pensée. « Le chemin du retour à la réalité est la destruction de nos perceptions de celle-ci », a dit Bergson. Certes, mais ces perceptions trompeuses ont été et persistent à être implantées par le langage y compris mythique, véhiculé ouvertement et subliminalement par la religion, le « grand art », la littérature, les codes professionnels, les médias, la grammaire. En effet, la fourberie s’est implantée dans la texture même des mots que nous employons, et voici où peut commencer notre exorcisme. Ainsi, par exemple, l’expression « vieille fille » (spinster en anglais) est actuellement employée de façon péjorative. Cet usage n’est possible que selon les valeurs superficielles de l’avant-scène. Le sens originel de spinster, qui a reculé si loin dans l’Arrière-plan que nous devons filer profondément pour le récupérer, est clair et convaincant : « femme dont l’occupation est de filer ». Il n’y a aucune raison de restreindre le sens de « filer », verbe riche et cosmique. Une femme dont l’occupation est de filer participe à l’élan bourgeonnant de la création. Une femme qui choisit de s’identifier à Elle-Même et par Elle-Même, ni par rapport aux enfants ni par rapport aux hommes, est Filleuse, derviche tourneuse, filant dans un nouvel espace-temps. Un autre exemple concerne le terme « charme », pour lequel la première définition du dictionnaire Robert est « pratique supposée exercer une action magique ». À l’origine, les gens croyaient que les sorcières possédaient le pouvoir des charmes. Les auteurs du Marteau des sorcières constataient même que les sorcières pouvaient, par charme, faire disparaître le « membre » mâle. Dans l’usage contemporain, le sens ancien survit presque exclusivement dans l’Arrière-plan, le pouvoir du terme étant masqué et étouffé par des images de l’avant-scène telles qu’associées aux revues « de charme ».
Voyager, c’est multidimensionnel. Les myriades de sens et d’images qu’inspire ce verbe sont imbriquées. Nous pouvons penser aux voyages mystiques ou aventuriers, aux quêtes visionnaires, à l’approfondissement des connaissances, aux prouesses physiques et intellectuelles. Les barrières sont, elles aussi, multiples et enchevêtrées. Elles ne sont pas faites de simples blocs immobiles, mais plutôt d’élucubrations trompeuses qui, en babillant sans cesse dans la Tour de Babel, érection de la phallocratie , rendent sourde à Soi-Même. Ennemis de l’écoute, du rêve, et de la création chez toutes les femmes, les voix et les silences de Babel assaillent nos sens. Il est couramment admis que « Babel » est dérivé d’un mot assyro-babylonien qui veut dire « porte de dieu ». Dès que les femmes transpercent les barrières multiples, faites d’illusions éjaculées par « dieu », nous commençons à entrevoir les véritables seuils de nos profondeurs, qui sont les Seuils de la Déesse.
Détruisant les perceptions fausses infligées par le langage et les mythes de Babel, les Filleuses trouvent notre chemin du retour à la réalité. Nous nous dépossédons du langage de la phallocratie, qui nous avait paralysées par le sortilège de la fragmentation. Ce sortilège obscurcit, ouvertement et subliminalement, les perceptions de Nous-Mêmes et du cosmos. Pour atteindre l’Arrière-plan, nous devons d’abord reconnaître que « l’esprit » autant que « la matière » tels que conçus dans l’avant-scène des Pères sont des réifications et des condensations. Ce ne sont pas de véritables « opposés », car ils ont beaucoup de choses en commun : tous deux sont morts, inertes. Ceci est évident lorsque nous commençons à voir clair dans le jeu du langage patriarcal. Par exemple, le terme latin « texere », qui signifie tisser, est l’origine et la racine à la fois de « texte » et de « textile ». Il est important pour les femmes de noter l’ironie de l’écart dans les significations actuelles, car notre processus de tissage cosmique a été figé et réduit au niveau de la fabrication et de l’entretien des textiles. Bien qu’il n’y ait rien de dégradant dans cette occupation en soi, l’enfermement des femmes dans le domaine de la quenouille a mutilé et condensé notre Droit Divin au tissage créatif, réduit au reprisage des chaussettes. Lorsque nous examinons le terme « texte » en le comparant à « textile », nous nous apercevons que les textes sont l’autre face des condensations schizoïdes imposées sur le tissage et le filage. Domaine du mot réifié et de la pensée réductrice, les textes symbolisent le royaume masculin. Dans la tradition patriarcale, la couture et le filage sont pour les filles ; les livres sont pour les garçons.
Peu étonnant que beaucoup de femmes ressentent de la répugnance envers le domaine de la quenouille, transformé littéralement en usine infernale et en prison des esprits et des corps des femmes. Peu étonnant aussi que beaucoup de femmes voient dans le royaume masculin des textes une opportunité de s’évader de la tombe des textiles, qui symbolise le confinement et la restriction de l’énergie des femmes. Le royaume masculin des textes est apparu comme le domaine idéal à atteindre, à gagner, car nous avons été éduquées à oublier que les « savoirs » officiels résument le pillage de notre culture. Comme le constate Andrée Collard, dans la société des gendarmes et des voleurs, nous apprenons à oublier que les gendarmes sont eux-mêmes des voleurs qui nous volent tout : nos mythes, notre énergie, notre divinité, nos Êtres .
La pensée des femmes a été mutilée et voilée de telle façon qu’« Esprit Libre » est d’abord une marque de gaines et de soutiens-gorge, et non pas un nom pour Nous-Mêmes, inscrit dans notre parler-vivre, notre être-vivre. De tels noms de marque marquent les femmes « Dupes ». Dupées, elles peuvent croire que les textes masculins (bibliques, littéraires, médicaux, légaux, scientifiques) sont « vrais ». Ainsi manipulées, les femmes courent après une intégration en tant que potiches dociles marmonnant des textes masculins, employant la technologie à des fins masculines, acceptant les falsifications masculines comme véritable texture de la réalité. Le patriarcat a volé notre cosmos et l’a rendu sous la forme de la revue Cosmopolitan et de produits cosmétiques. Il a maquillé notre cosmos et nos Êtres. Filer de plus en plus profondément dans l’Arrière-plan signifie pécher courageusement contre les Péchés des Pères. Au fur et à mesure que nos sens se réaniment, nous pouvons voir, entendre et sentir combien nous avons été dupées par leurs textes. Nous commençons à détisser nos linceuls. »

GYN/ÉCOLOGIE : LA MÉTAÉTHIQUE DU FÉMINISME RADICAL de Mary Daly

« Un livre n’a pas d’objet ni de sujet, il est fait de matières diversement formées, de dates et de vitesses trés différentes. Dès qu’on attribue le livre à un sujet, on néglige ce travail des matières, et l’extériorité de leurs relations. On fabrique un bon Dieu pour des mouvements géologiques. Dans un livre comme dans toute chose, il y a des lignes d’articulation ou de segmentarité, des strates, des territorialités; mais aussi des lignes de fuite, des mouvements de déterritorialisation et de déstratification. Les vitesses comparées d’écoulement d’après ces lignes entraînent des phénomènes de retard relatif, de viscocité, ou au contraire de précipitation et de rupture. Tout cela, les lignes et les vitesses mesurables, constitue un agencement. Un livre est un tel agencement, comme tel inattribuable. C’est une multiplicité – mais on ne sait pas encore ce que le multiple implique quand il cesse d’être attribué, c’est-à-dire quand il est élevé à l’état de substantif. Un agencement machnique est tourné vers les strates qui en font sans doute une sorte d’organisme, ou bien une totalité signifiante, ou bien une détermination attribuable à un sujet, mais no moins vers un corps sans organes qui ne cesse de défaire l’organisme, de faire passer et circuler des particules asignifiantes, intensités pures, et de s’attribuer les sujets auxquels il ne laisse plus qu’un nom comme trace d’une intensité. Quel est le corps sans organes d’un livre? Il y en a plusieurs, d’après la nature des lignes considérées, d’après leur teneur ou leur densité propre, d’après leur possibilité de convergence sur un « plan de consistance » qui en assure la sélection. Là comme ailleurs, l’essentiel, ce sont les unités de mesure : quantifier l’écriture. Il n’y a pas de différence entre ce dont un livre parle et la manière dont il est fait. Un livre n’a donc pas davantage d’objet. En tant qu’agencement, il est seulement lui-même en connexion avec d’autres agencements, par rapport à d’autres corps sans organes. On ne demandera jamais ce que veut dire un livre, signifié ou signifiant, on ne cherchera rien à comprendre dans un livre, on se demandera avec quoi il onctionne, en connexion de quoi il fait ou non passer des intensités, dans quelles multiplicités il introduit et métamorphose la sienne, avec quels corps sans organes il fait lui-même converger le sien. Un livre n’existe que par le dehors et au-dehors. Ainsi, un livre étant lui-même une petite machine, dans quel rapport à son tour mesurable cette machine littéraire est-elle avec une machine de guerre, une machine d’amour, une machine révolutionnaire, etc. – et avec une machine abstraite qui les entraîne? On nous a reproché d’invoquer trop souvent des littérateurs. Mais la seule question quand on écrit, c’est de savoir avec quelle autre machine la machine littéraire peut être branchée, et doit être branchées pour fonctionner. Kleist et une folle machine de guerre, Kafka et une machine bureaucratrique inouïe… (et si l’on devenait animal ou végétal par littérature, ce qui ne veut certes pas dire littérairement? ne serait-ce pas d’abord par la voix qu’on devient animal?). La littérature est un agencement, elle n’a rien à voir avec de l’idéologie, il n’y a pas et il n’y a jamais eu d’idéologie.

Nous ne parlons pas d’autre chose : les multiplicités, les lignes, strates et segmentarités, lignes de fuite et intensités, les agencements machiniques et leurs différents types, les corps sans organes et leur construction, leur sélection, le plan de consistance, les unités de mesure dans chaque cas. Les stratomètres, les déléomètres, les unités CsO de densité, les unités CsO de convergence ne forment pas seulement une quantification de l’écriture, mais définissent celle-ci comme étant toujours la mesure d’autre chose. Écrire n’a rien à voir avec signifier, mais avec arpenter, cartographier, même des contrées à venir. »

Chapitre « Introduction : Rhizome », Mille Plateaux, Deleuze et Guattari

« Quand on iterroge Virginia Woolf sur une écriture proprement féminine, elle s’effare à l’idée d’écrire « en tant que femme ». Il faut plutôt que l’écriture produise un devenir-femme, comme des atomes de féminité capables de parcourir et d’imprégner tout un champ social, et de contaminer les hommes, de les prendre dans ce devenir. Particules très douces, mais aussi dures et obstinées, irréductibles, indomptables. La montée des femme dans l’écriture romanesque anglaise n’épargnera aucun homme : ceux qui passent pour les plus virils, les plus phallocrates, Lawrence, Miller, ne cesseront de capter et d’émettre à leur tour ces particules qui entrent dans le voisinage ou dans la zone d’indiscernabilité des femmes. Il deviennent-femme en écrivant. C’est que la question n’est pas, ou n’est pas seulement celle de l’organisme, de l’histoire et du sujet d’énonciation qui oppossent le masculin et le féminin dans les grandes machines duelles. La question est d’abord celle du corps – le corps qu’on nous vole pour fabriquer des organismes opposables. Or, c’est à la fille qu’on vole d’abord ce corps : cesse de tenir come ça, tu n’es plus une petite fille, tu n’es pas un garçon manqué, etc. C’est à la fille qu’on vole d’abord son devenir pour lui imposer une histoire, ou une pré-histoire. Le tour du garçon vient ensuite, mais c’est en lui montrant l’exemple de la fille, en lui indiquant la fille comme objet de son désir, qu’on lui fabrique à son tour un organisme opposé, une histoire dominante. La fille est la première victime, mais elle doit aussi servir d’exemple et de piège. C’est pourquoi, inversement, la reconstruction du corps comme Corps sans organes, l’anorganisme du corps, est inséparable d’un devenir-femme ou de la production d’une femme moléculaire. Sans doute la jeun fille devien-elle femme, au sens organique ou molaire. Mais inversement le deveni-femme ou la femme moléculaire sont la jeune fille elle-même. La jeune fille ne se définit certes pas pa la virignité, mais par un rapport de mouvement et de repos, de vitesse et de lenteur, par une combinaison d’atomes, une émission de particules : heccéité. Elle ne cesse de courir sur un corps sans organes. Elle est ligne abstraite, ou ligne de fuite. Aussi les jeunes filles n’appartiennent pas à un âge, à un sexe, à un orgre ou à un règne : elles se glissent plutôt, entre les ordres, les actes, les âges, les sexes; elles produisent n sexes moléculaires sur la ligne de fuite, par rapport aux machines duelles qui traversent de part en part. La seule manière de sortir des dualismes, être-entre, passer entre, intermezzo, c’est ce que Virginia Woolf a vécu de toutes ses forces, dans toute son œuvre, ne cessant pas de devenir. La jeune fille est comme le bloc de devenir qui reste contemporain de chaque terme opposable, homme, femme, enfant, adulte. Ce n’est pas la jeune fille qui devient femme, c’est le devenir-femme qui fait la jeune fille universelle; ce n’est pas l’enfant qui devient adulte, c’est le devenir-enfant qui fait une jeunesse universelle. »

Souvenirs d’une molécule, chapitre « Devenir-Intense, Devenir-Animal, Devenir-Imperceptible », Mille Plateaux, Deleuze & Guattari

Égalité, émancipation, ou…

AVANT-PROPOS :

Article autours d’un texte initial que j’ai écrit sur une publication des féministes de la France Insoumise, pour répondre initialement à une femme qui ne comprenait pas une citation d’une féministe :

« C’est en affirmant sa différence que la femme peut se libérer de l’emprise sur elle d’une culture au masculin » – Luce Irigaray.

L’interrogation de cette femme :

« Mais on se bat justement pour dire qu’on est pareil-lle-s ? Je comprends plus rien.

J’ai eu quelqu’un récemment qui m’a dit que les hommes et les femmes c’était absolument pas pareil, et que donc les inégalités étaient normales. + La théorie des salaires plus bas pour que les femmes soient « plus attractives » sur le marché du travail vu qu’elles sont pas intéressantes car elles pondent des gosses. »

 

Ma réponse portait essentiellement sur la première phrase. Mais vu que je suis un homme et que je ne veux pas polluer des espaces féministes avec des réponses fleuves (le fait d’écrire des tonnes me semble (grâce à des féministes qui m’ont permis de comprendre ça, même si elles ne me l’ont pas fait signaler directement) être une caractéristique masculine), je ne l’ai pas publié. Mais vu que je trouve que je suis assez synthétique sur celui-là, que je ne dérive pas trop, et que je suis clair, je le partage ici.

 

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Beaucoup vendent le féminisme comme la recherche d’égalité, comme si, malgré les critiques que les femmes peuvent fournir de nos sociétés patriarcales, le but n’était pas de renverser celles-ci. Par l’égalité, les hommes peuvent aussi protester sur la non-mixité des espaces militants, dire que les femmes aussi devraient aussi subir les rituels masculins entre hommes (faisant fi de tout ce que les hommes font subir aux femmes : bien pire). Ou encore à défendre des espaces non-mixtes masculins vu que les féminismes en ont (sans en comprendre la nécessité politique). L’égalité est une valeur acceptable dans nos sociétés, celles et ceux qui veulent accéder aux pouvoirs en place, ou que les institutions prennent mieux en compte les femmes, ne peuvent que vendre le féminisme à travers le prisme de l’égalité… ou de l’émancipation.

L’émancipation peut paraître comme une valeur positive, et de nombreuses luttes se sont définis par l’émancipation des classes. Mais ce ne serait pas faire attention à la manière dont le libéralisme, et tout autre idéologie dominante, peut totalement s’approprier ce terme pour dépolitiser les luttes et annuler toute critique de quelque chose, critique de cette chose comme étant en partie ou fondamentalement aliénante. Pour prendre exemple, une des défenses de la candidature Macron fut la croyance que l’éducation, le travail et la culture sont des moyens d’émancipation de l’être humain. Et si ça pourrait être défendable, les formes et les structures actuelles sont à bien des égards aliénantes avant d’être émancipatrices (1).

C’est un renversement de cette valeur qui permet aussi à certaines personnes de vendre les formes passées, présentes et à venir du patriarcat, comme la pornographie et la prostitution, entre d’autres exemples, comme étant émancipatrices pour les femmes. Ça permet aussi aux hommes de se réapproprier les luttes féministes, notamment la libération sexuelle, pour créer de nouvelles formes coercitifs envers les femmes. Le cas récent des éloges dans la presse suite à la mort de Heffner est emblématique de ce problème-là, mais plus globalement les luttes pour la pilule et l’avortement ont été réapproprié par les hommes pour rendre injustifiable le refus des femmes de coucher avec des hommes quand ils le voulaient : voir la critique et le constat de Dworkin (2) sur les mouvements Flower Power et le désengagement constant des hommes des luttes féministes, à part quand c’est pour servir leurs propres intérêts.

Donc l’émancipation est une valeur à double tranchant, proie, comme pour l’égalité, à une réappropriation patriarcale.

Ce que ce dernier peut moins digérer, et ce qui fait basculer des féministes dans le féminisme radical, ce sont les concepts de libération, de culture des femmes, d’abolition du genre – perçu comme étant en soi un outil de domination patriarcale -, de non-mixité militante, de grêve du sexe, et de séparatisme (Si j’en oublie, complétez).

Ce qui n’empêche pas de profondes divisions et conflits entre les féministes sur ces sujets-là. Mais en ce qui concerne ces divisions, le pire serait que nous les hommes, nous intervenions pour rajouter de l’huile sur le feu et diviser les femmes et les féministes, plus qu’elles ne le sont déjà. D’où l’importance de la sororité et de la solidarité entre femmes qui sont aussi des armes de luttes contre un patriarcat qui aimerait que les féministes soit absolument divisées, alors que dans le fond, elles voudraient toutes êtres des sœurs entre elles. L’exemple en dernière date de cette volonté de diviser plus qu’il n’en faut les femmes : le traitement médiatique d’Angot et de Rousseau (3).

Ainsi, en tant qu’homme, même si je critique les valeurs d’égalité et d’émancipation qui sont des armes politiques à double tranchant, j’arrête là mon exposé car ce sont aux femmes de définir les degrés, les enjeux et les armes de leurs luttes. Mais je vois trop peu (en dehors des groupes féministes que je fréquente) les valeurs et les concepts que j’ai écrit plus haut au profit de l’égalité, qui paraît bien fade à côté, et de l’émancipation qui est facilement réappropriable par les libéraux.

PS : Je pourrais parler aussi, de manière plus globale e termes de luttes : de l’insurrection, du sabotage, de la désobéissance civile, du matérialisme (dont les féministes essayent d’y intégrer le patriarcat comme réalité matérielle), de politisation, et de pleins d’autres outils de luttes (Je vous laisse compléter).


Source :

1. « La libération sexuelle : une supercherie pour exploiter sexuellement les femmes » par Andrea Dworkin (J’ai pas la source exacte, du coup j’ai piqué le lien sur un blog qui apparaît en premier sur Google)

https://www.legrandsoir.info/la-liberation-sexuelle-une-supercherie-pour-exploiter-sexuellement-les-femmes.html

2. Voir les deux conférences (les vidéos sont sur Youtube) de Frank Lepage pour commencer à avoir une critique politique de la Culture (comme reproduction et accentuation des écarts entre les classes) et de l’Education (comme système de reproduction des élites). C’est pas le seul, j’espère qu’on va pas me gueuler dessus pour ne pas citer d’autres sources (surtout que Lepage doit pas être « The » référence, mais en tout cas c’est ma référence pour ce qui concerne une critique de la Culture et de l’Education).

 

3. « Christine Angot : la « femme de droite » et les salopards » – Blog de Crepe Georgette http://www.crepegeorgette.com/2017/10/04/christine-angot-femme-droite-les-salopards/

[TW : Viol/Agression sexuelle] Plus une citation pertinente d’une personne sur Facebook :

« Il n’y a aucune dichotomie.
C. Angot est une polytraumatisée de l’inceste non soignée, la mémoire traumatique s’est déclenchée chez elle, samedi soir. En face, une autre victime, victime du cirque médiatique.
Que les hommes ferment leur gueule, les soit disant proféministes de mon cul, qui condamnent sans comprendre.
Angot a raison quand elle dit qu’il n’y a pas le viol, mais un viol. Ni l’inceste mais des individus victimes. Et surtout, elle n’a jamais guéri, puisse-t-on en guérir. Alors que des femmes aient des avis, c’est tolérable, que des hommes viennent commenter, cela ne l’est pas.
Encore des gonflés d’égo qui se croient permis de l’ouvrir.
Oui, je suis intolérante. Je ne tolère pas les hommes qui viennent débiter de la merde sur des réactions post traumatiques complexes, d’anciennes (ou pas) victimes d’inceste, agression sexuelle, etc. La mise en scène pathétique a conduit au pétage de plomb de Christine Angot, ce face à face était d’emblée malsain, le silence général a plongé son interlocutrice dans le désarroi, et la reviviscence et donc les larmes. Les hommes de ce plateau ont par leur posture été encore une fois les déclencheurs et spectateurs de la déchirure entre deux victimes. Honte. »

 

En un souffle

« En baguenaudant, je tombai sur deux blocs côte à côte qui portaient ce titre : Vivre. Intrigué, je sortis le premier, m’assis sur une marche de l’escalier et je lus :
« Vis chaque instant comme si c’était le dernier. »
Ému et secoué, je le remis à sa place et retirai, vibrant, le second de la paroi. A l’écriture, c’était à l’évidence le même auteur :
« Vis chaque instant comme si c’était le premier. »
Je posai le bloc et l’émotion me monta aux yeux. Ces deux phrases avaient une telle puissance ,une telle extension vitale que j’en demeurais absolument ébloui, fauché sur pied, laissant les spires de cette pensée s’enfoncer dans ma chair et y creuser des ouvertures profondes qui s’aéraient déjà, déjà se laissaient traverser par le pollen de ces mots de passe. Sans que je comprenne sur le moment pourquoi, ils fécondaient un terreau en moi essentiel, y promettaient une floraison longue et exigeante. Je comprenais mieux ce que Ne Jerkka avait voulu dire par compacité. En deux phrases, ma vie n’était déjà plus tout à fait la même – elle se décalait subitement, elle encaissait une dimension que j’avais méconnue jusqu’ici, elle s’affrontait et comme s’épluchait sur la lame d’un idéal concret que je ne pourrais plus désormais plus ignorer, elle me retirait des excuses et des facilités, bref : j’étais embarqué. Vivre ferait dorénavant partie de mes « livres » de chevet – de deux qu’on pouvait réciter par coeur. »
La Horde du Contrevent – Alain Damasio

Aversion au risque et perspective d’emplois

Prenons un exemple d’aversion au risque : là, je fais de l’interim’ dans une boîte où j’ai fait un truc comme 150/160 heures de boulot le mois dernier. J’ai touché à peu près 1500€ net pour le mois d’octobre. L’interim’ a le défaut ici que ce sont des contrats d’un mois renouvelable. L’entreprise dans laquelle je travaille vient de me parler d’un CDD de six mois, hors tout le monde m’a parlé que le CDD était payer une misère de 900€ et qu’il y avait une régulation des heures supplémentaires.
Étant donné que je suis pauvre, que je n’ai plus droit au bourses étudiantes, et qu’autant pour mes finances, que pour ma vie sociale, mes activités, mes projets personnels et associatifs, un CDD est une belle opportunité de stabilité, je peux être prêt à accepter. Mais je pourrais continuer en intérim’, avec l’incertitude à chaque mois de ne pas être renouvelé, d’avoir un rapport de force avec mes employeurs sur lequel je n’arriverais pas à me défendre. Mais en même temps, si je remplis mes contrats d’interims, ma boîte d’interim’ me relancera très certainement sur d’autres missions de plusieurs semaines, et ainsi que j’enchaîne les petits boulots, mais en étant payé en interim’. Mais je pourrais tomber aussi sur des emplois où l’ambiance est moins bonne, le travail moins gratifiant, un travail plus physique et donc plus fatiguant. Mais aussi, si à un moment j’ai un peu de courage, je pourrais me lancer dans la recherche d’emplois correspondant à mon BAC+4, niveau que j’ai du mal à me faire à l’idée que je pourrais le valoriser sur le marché de l’emploi. Là, j’ai un travail sur lequel je suis formé depuis maintenant six semaines, donc une certitude aussi, qu’en persévérant dans cette boîte, mon travail sera socialement plus reconnu, car avec moins de défauts, plus de connaissances, et plus d’efficacité qu’un interimaire de quelques jours.
 
Donc d’un côté, on a un gain certain sur six mois avec un salaire faible, peu de perspectives d’augmentation, mais où je n’aurais pas à m’occuper continuellement de signaux de recherche d’emploi, et de l’autre une grande incertitude qui dépendra aussi de mon niveau de motivation à la surmonter, mais avec de meilleurs perspectives de gains. En sciences économiques, on appelle ça l’aversion au risque : entre un gain certain et une lotterie, quel est l’équivalent certain qui correspond à l’espérance d’utilité avec la lotterie, et quel est la prime compensatrice que je serais prêt à payer (ici sortir de mon statut d’intérimaire) pour me débarrasser de la loterie.
 
C’est une question compliquée et notre aversion au risque n’est pas quelque chose de rationnel au sens classique du termes, elle dépend de pleins de facteurs affectives ou cognitifs, de biais, de capacité de se projeter dans l’avenir, des cartes que nous avons en main dans telle ou telle circonstance, de notre niveau de richesse, etc…. Donc chacun d’entre nous aura une plus ou moins grande aversion au risque différente. Ça se perçoit à mon échelle, par la diversité des profils des collègues, de leurs contrats et leurs manière d’aborder la plus ou moins grande précarité de leurs emplois.
 
Des questions qui aujourd’hui sont des questions avec lesquelles nous devons perpétuellement vivre et remettre en question quand nos situations évoluent et les opportunités se présentent.

Militer contre des industries

[Suite/Complément/Mise à jour/Renouvellement réflexif de l’article Live on V! ]

J’ai travaillé un été dans une usine d’oreillers et de couettes. Les premiers jours j’ai déchargé des cartons à l’entrée de l’usine. Puis on m’a mis dans le transport de gros sacs, des balles, de plumes entre des zones de stockage et de transformation. Mais encore là, les balles sont quasi hermétiques et à part quelques plumes qui trainent, t’as pas encore conscience. D’abord, il y a l’odeur autours de la zone d’arrivage des camions de plumes. Plumes qui n’ont pas été nettoyé du sang et de la merde. C’est une odeur qui vient subitement le matin, arrache les narines et qui reste toutes la journée. Puis il y a la zone d’arrivage qu’on traverse et on voit les caisses dégueulassées de sang, le sol qui est régulièrement lavé à grand coup de jet.

 

Et puis un jour, on te demande d’ouvrir les sacs pour transposer les plumes dans d’autres sacs. Et là dans ma tête, ça a commencé le calcul. Une balle c’est de 25 à 50 kilos de plumes compactées. Que pour un kilo de plumes, sachant qu’un animal non humain n’a pas non plus une masse de plumes sur elle ou lui, alors il a fallu déplumer plusieurs canards, probablement entre 5 et 10. Pour un seul kilo. Oies, Canards, etc… qui sont surement, par un souci d’optimisation économique, exploités et tués pour d’autres finalités. Et pour finir, je multiplie, je multiplie par les piles de balles qui sont empilées par 10 à 30, multiplie par le nombre de piles, rien qu’en stockage dans l’usine : au moins 100, mais peut-être deux fois plus. Et pour finir, que cela ne représente qu’une année ou deux de productions, qu’il en continue d’en arriver par dizaines et dizaines de caisses chaque semaine. Et là, on peut se faire une idée, une estimation. Ou non. On ne se rend peut-être pas compte de ce que ce chiffre veut dire, rend compte comme réalité.

Et là tu te dis que ceux qui disent que le véganisme est un choix personnel ont rien compris. Notre société est clairement dépolitisée par l’individualisme. Quand nous prenons une décision, que nous achetons et consommons, nous pensons pour la plupart réaliser un choix éclairé et sans vraiment de conséquences. Ce n’est pas forcément de l’égoïsme ou de l’égocentrisme, c’est que nous avons eu l’habitude, plus ou moins poussé par notre société de consommation, à calculer à l’échelle individiuelle. Mais multiplions ces choix de consommation par des centaines de millions de personnes, avec des millions qui ont beaucoup moins de considérations morales pour les autres animaux que nous et plus d’argent que nous, alors tu vois bien. Tu vois bien que le bien-être animal est une impasse, que le flexitarisme est une impasse, que le végétarisme est une impasse, que tout ce qui ne prône pas une libération totale des animaux non humains de nos systèmes économiques laisse le flan à un facteur multiplicatif massif, dont la réponse économique ne peut tout simplement pas être des petites fermes bio et une considération morale des animaux. Non, c’est une industrie, une industrie de masse, existante et permanente, qui est là pendant qu’on débat de la valeur morale de l’antispécisme, pendant qu’on s’attaque à la chasseuse qui étale fièrement ses photos, pendant qu’on poste des photos de cuisine, de bodybuilders véganes, des arguments de santé et d’environnements, pendant qu’on se choque de quelques images, pendant qu’on prend l’image du lion, de l’indien d’amérique, qu’on veut à tout prix défendre son droit à prendre les œufs de ses poules de son jardin, qu’on veut à tout prix chercher la moindre incohérence chez les véganes, qu’on hurle au cri de la carotte.

Une industrie. Avec un joli logo d’une femme endormie paisiblement dans un nid encerclé de plumes.

Non pas « une ». DES industries.

Petite réflexion

Vidéos de L214 : il est urgent de légaliser l’abattage à la ferme

En plus d’être mou, c’est irréalisable : nous sommes plus de six milliards d’êtres humains à nourrir sur cette planète et c’est infaisable que ce soit au niveau national ou international d’avoir des économies seulement locales. Les welfaristes se concentrent sur de mauvaises pratiques ou de « vilains » industriels, alors, qu’en dehors du lobbying, c’est une conséquence logique de notre société actuelle, où l’alimentation de masse est nécessaire et où les dérives dûs à la marchandisation des animaux nh est inévitable. L’abolition anti-spéciste est le seul moyen de repenser l’économie, c’est-à-dire en arrêtant totalement de penser les autres animaux comme ressources. Tant qu’elles et ils seront considéré.e.s comme des ressources, cette bataille sur les « conditions » d’exploitation va dans le mur. Même si on adhère à l’idéologie welfariste et on traite les véganes d' »extremissstes », le seul moyen d’être cohérent politiquement est d’être abolitionniste. Déso pas déso.

How to start to fight Homophobia et Islamophobia?

Je n’ai pas réagi immédiatement au drame d’Orlando. Je n’ai pas non plus essayé de participer à l’effervescence de solidarité sur les réseaux sociaux et dans les différentes manifestations, que ce soit en acte concret ou symbolique Tout d’abord, parce que je n’ai pas suivi les médias le week-end dernier, ni cette semaine et le flot d’images, de témoignages qui va avec, qui nous donne l’ampleur de l’effroi derrière ce que nous pouvons recevoir comme un simple information : « 50 personnes tuées ». Puis il y a eu Sœur Maria C-ullass qui a partagé les photos des victimes ( https://www.facebook.com/profile.php?id=100004702657284 ) et là c’est la baffe, les larmes, l’effroi.
 
 
Deuxièmement, parce qu’après les attentats de Charlie Hebdo, les attentats sur Paris en novembre, il y a une forme de banalisation du discours politique, médiatique et sociale entre :
 
-L’utilisation de symbole totalement dépolitisé comme ce mélange entre le drapeau LGBT et américain, alors que les USA ont pu représenter de l’homophobie par le passé.
 
-Ceux qui disent aussi que c’est le plus grand mass murder aux Etats-Unis après le 11 septembre, manière d’insinuer que le pays ne s’est pas construit dans le sang (ou du moins l’oublier).
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-La réappropriation politique des différents politiciens soit pour réaffirmer leurs politiques en matière d’armements et leurs positions sécuritaire, soit pour se donner un capital sympathie nous empêchant collectivement de critiquer leurs positions et leurs actes sur d’autres sujets.
 
-Les différentes « bourdes », « dérapages », « maladresses » de certains politiques, où on ne sait pas si cela tient d’une journée démarrée du mauvais pied ou d’un discours idéologique qui ne dit pas son nom.
 
-Les islamophobes qui vont justifier leurs discours réactionnaires et leurs actions dégueulasses, et pour qui l’acte d’un seul individu va confirmer leurs opinions.
 
-Les homophobes qui vont justifier leurs discours, parce que eux « ne tuent pas » les LGBTs et vont encore se gargariser de leurs « libertay d’expression ». Qui ne se rendent pas compte que les LGBTIQ+-phobie couvrent un large spectre de comportements, qui conduit en bout de chaînes à des suicides ou à des massacres comme celui-ci.
 
-Les gens dépolitisés qui disent que cela n’a rien à voir avec de l’homophobie, que les morts et les blessés sont avant tout des individus, sans se rendre compte que le marqueur social de leurs sexualités a été déterminant pour l’homophobie du meurtrier.
 
-Ceux qui disent que le tueur est un « homo refoulé » *Facepalm* *J’en dis pas plus*
 
-Ceux qui vont dire qu’il ne faut pas mélanger islamophobie et critique profonde des religions, et ici de l’Islam, et du mélange insidieux entre religion et terrorisme (Poke à quelqu’un qui se reconnaîtra), en se jetant sur la première news pour répéter leurs discours. Quand bien même ce n’est pas forcément pertinent, ou il faudrait apporter certaines nuances nécessaires à ce discours et à la laïcité pronée parfois abusivement
 
-Les hashtags abusifs, criticables et fourre-tout politique, les #JeSuis et les #PrayFor par exemple, mais qui sont pourtant largement partagés sur les réseaux sociaux. Quand bien même, ça permettrait de créer des agrégats solidaires, il faudrait ne pas oublier leurs limites conceptuelles. Et si le #JeSuis reste plus ou moins innocent après sa généralisation (quand bien même le #JeSuisCharlie était critiquable en tant que symbole fédérateur), le #PrayFor est joli symboliquement, mais ne permet pas de lutter contre les discriminations aux quotidiens, et ici contre les LGBTIQ+-phobie (listes non-exhaustifs de discriminations).
 
-Mais aussi ceux qui me disent que ce n’est pas nécessaire de faire son coming-out, puisque la sexualité serait avant tout une question d’intimité personnelle. Alors que la sexualité (comme je l’ai dit plus haut) est un marqueur social (comme bien d’autres) sur lequel les gens vont plus ou moins être sensible, vont plus ou moins discriminée. Et que vivre dans la peur que des personnes mal-intentionnée, viriliste, masculiniste et/ou homophobe se rendent compte de ma bisexualité n’est pas une bonne manière d’assumer son identité, ni de pouvoir pleinement vivre sa vie.
 
-Mais aussi ceux qui vont réagir à ce drame, mais pas aux autres attentats, aux autres agressions, aux autres discriminations, aux autres oppressions, soit parce que ça ne les touche pas, soit parce qu’ils ne sont pas concernés, soit parce qu’ils ne sont pas sensibilisés, soit parce qu’ils ne veulent pas « faire de la politique », soit simplement parce qu’ils sont privilégiés selon tel marqueur social, et que ça leur permet d’être indifférent. Ceux pour qui convergence des luttes est un vieux concept et intersectionnalité un terme militant abstrait et abscons.
 
 
Et dans tout ça comment se positionner? Comment se positionner :
-Quand une personne formidable m’a donné la possibilité il y a trois ans de sortir du placard et de vivre en couple homosexuel, et que je ne l’ai pas fait sur Le Mans.
 
-Quand j’aurais pu rentrer dans une association LGBTIQ+ il y a trois ans et que j’en ai rien fait, que je ne m’implique pas dans l’aide associative ou militante.
 
-Quand je reste globalement au placard pour garder un privilège hétéro-centré.
 
-Quand je ne suis allé qu’à une marche de fierté, de manière quasi-anonyme, et que je ne participe donc à aucune manifestation.
 
-Quand il me faut plusieurs mois, voire des années entières, voire plusieurs années pour le dire simplement à des amis, à ma famille, et à des potes qui ont pourtant su démontrer par le passé qu’ils étaient « gay-friendly ».
 
-(Quand on est infoutu de faire l’effort d’une écriture inclusive)
 
Comment se positionner alors? Je n’ai pas encore la réponse et je me laisse le temps de l’été pour redéfinir ma vie à partir de septembre prochain. Pour sûre, la lutte LGBTIQ+ et la lutte contre l’islamophobie, comme celle du militantisme en général, seront déterminantes.
 
Ne soyons pas indifférent, prenons position.
 
♪Si c’est vrai que parfois tu fais des conneries, tu ne fais pas un massacre dans une boîte gay d’Orlando un samedi♪

Le geste mû

Je suis fasciné par le street art, ou du moins, j’aime beaucoup l’idée. Au départ, le graffitis est souvent une signature dont la calligraphie et l’esthétique est plus ou moins élaboré. Sous une première forme, on peut y voir une forme de vandalisme, un besoin d’adréalines tout comme une envie de se rebeller. C’est un geste qui en lui-même est politique, quand bien même le produit en lui-même en est dénué. Quelque chose comme laisser sa trace, ou s’approprier un peu l’espace faits de propriétés et d’hygiénisme. ça peut ne pas être très beau, même très moche, c’est là une forme de vandalisme au sens esthétique. A Berlin, on voit même des fresques murales avec des sens symboliques très fort (par exemple deux kilomètres de vestiges du mur, couverts par des tableaux hétérogènes) pourris par des tags mis par-dessus à l’arrache.

En allant à Berlin, je me suis peut-être fait l’idée d’un idéal social et de mixité. C’est donc sur la route du retour, sur le périphérique de Paris, que j’ai regardé les murs sur les bords. Il y avait là des tags plus ou moins élaborés, qui recouvrait quasi intégralement plusieurs centaines de mètres. Certains avait une belle calligraphie avec de la perspective. Il y avait un Omer Simpson qui faisait je ne sais plus quelle mimique. Très peu de street art, au sens où des images, ou des combinaisons d’images, peuvent nous donner l’envie de les contempler pendant plusieurs minutes.

A Berlin, ce sont des quartiers à deux cents mètres du Checkpoint Charlie et de la Topographie de la terreur, qui sont couverts de Street Art. J’ai même vu un pan entier d’un immeuble avec des échafaudages, entrant de faire les premiers contours d’une future fresque. Plus loin, il y avait des taggeurs à 16h de l’aprèm’, pas vraiment l’impression que la police aille les déranger. Il y avait aussi le gymnase d’une école primaire qui était recouvert de dessins taggués. Le street art me semble ancré dans la culture berlinoise.

Je ne sais pas vraiment trop la juridiction allemande sur le street art, mais il me semble que ce soit plus permissif qu’en France, les espaces dans lesquelles on peut voir ces œuvres artistiques sont beaucoup plus visibles pour un piéton.

Et là, il y a un article sur le potager place de la République. Au-delà du vandalisme, il y avait là un geste symbolique fort, quelque chose de créatif, qui nous dévie du quotidien des dalles. Et même, plus généralement, en voyant les réactions autours des manifestations, j’ai l’impression qu’on critique énormément les actes spontanées quand bien même tout n’est pas très constructif. En amoureux de Damasio, je ne peux pas m’empécher de penser à la Zone du Dehors et ces actes spontanées en milieu urbain, histoire d’enlever un peu de la morosité ambiante.

En fait, voyager m’a fait du bien. Voyager, pour découvrir un monde sur lequel on croit tout savoir. A force de quotidienneté, on finit par réduire notre monde à ce qui nous est nécessaire pour aller d’un point A à un point B. La peur nous encourage juste à traverser cette vie, sans vraiment laisser notre trace. On aurait beau avoir un bagage d’idées qui ne demandent qu’à se concrétiser, nous sommes laminés par des tas de raisons, qui nous poussent à ne rien en faire. A quoi ça sert? Quelle est la continuité du geste, son évolution? Qu’attends-t-on?

Pour moi, les mouvements n’attendent plus que les sceptiques de ces mouvements. On critique leurs manque d’ampleurs alors qu’il suffirait de les rejoindre pour apporter ce qui  est, pour nous, porteur de sens.

La peur, my not only friend!

Toute notre vie, on nous apprend à pouvoir prendre les bonnes décisions. On nous apprend des codes à adopter, des règles auxquelles se soumettre, des procédures que nous devrions suivre. Un ensemble d’actions formalisées et communes, standardisées voir institutionnalisées. Dans les faits, ça nous demande d’avoir des automatismes, que ce soit à appliquer en état d’urgence, ou pour que notre attention soit moins focalisés sur des détails et plus focalisés globalement (typiquement dans le cas de la conduite). Toutes ses choses ne sont pas forcément liées à l’intuition et au bon sens, parfois ça si oppose, parfois ça ne fait que souligner comme une évidence. Par ailleurs, toute cette discipline est là pour contrecarrer des instincts dangereux ou pour vivre ensemble.

Mais dans les faits? Il se peut très bien que nous ayons des comportements qui vont à l’encontre de cela, par exemple un comportement dit dangereux, car ces comportements ont eu un avantage évolutionniste, voire encore actuellement. De ce que j’ai compris, c’est en partie l’objet d’une branche de la psychologie, qu’on dit psychatrie darwienne : tout ce qui est dans notre cerveau pourrait être une sorte de bagage transmis au fil des âges, et certaines des choses que l’on dit être des tares comme l’égocentrisme et le narcissisme, ou même ce qu’on considère comme les septs péchés capitaux, ou des maladies contemporaines comme la parano, la schyzophrénie, pourraient eu avoir des avantages évolutionnistes, c’est-à-dire en faveur de notre survie et/ou celle de notre espèce. Tout cela pour me ramener à la peur. Si on exprime la peur selon des termes évolutionnistes, on peut tout-à-fait la comprendre comme une émotion qui fait parti de ce bagage de survie, comme un émotion primitive, comme quelque chose qui nous incite à nous méfier de notre environnement, parce que celui-ci pourrait nous être fatal.

Au fond la peur n’est pas forcément quelque chose de négatif dans ce qu’elle apporte à notre fonctionnement. Elle est selon moi un indicateur globale au niveau individuel ou collectif d’une situation, existante ou potentielle, menaçante. Elle est selon moi un indicateur de la maladresse de notre comportement vis-à-vis de cette situation, que nous ne sommes pas totalement ajustable (dans nos capacités) ou ajusté (dans le comportement qu’on a) à la situation. Au fond, il est normal d’avoir peur ou de ne pas avoir peur. Peur parce que nous ne savons pas gérer, pas peur parce que dès fois on y arrive. Au fond ce qui cararctérise la peur c’est sa primitivité. A elle seul, elle peut nous conduire à des comportements qui sont opposés entre eux : le stress, le trac, la vigilance, la concentration, la panique, la colère, l’instinct de survie. Au fond, dans l’ensemble des codes que j’ai parlé en début d’articles, il s’agit là principalement de donner à nous, un bagage suffisant pour savoir gérer notre peur.

« Je n’ai pas peur » peut-être une incantation pour nous pousser à dépasser ce sentiment, à voir au-delà de ce signal qui nous pousse instinctivement à nous replier ou à être méfiant. « Je n’ai pas peur. » peut-être une prise de confiance en nous, de voir au-delà de la peur, mais aussi de ce bagage réglementaire qui peut être insuffisant pour vivre, au-delà de l’instinct de conservation. (Nietzsche d’ailleurs que les physiologistes de son époque se trompait en invoquant l’instinct de conservation comme principe premier de la vie. Pour lui le premier principe de la vie était surtout d’exister, de s’affirmer, de vouloir….vivre et non survivre).

Je ne pense pas que la dernière vidéo de Golden Moustache nous incite à nier la peur, à nier son existence dans notre psychée. On pourrait l’interpréter comme ça. Et justement, je connais trop bien des personnes qui nient la peur, et dont ce comportement leur est préjudiciable, parce qu’au fond ils ont peur et ne comprennent pas comment se sortir d’une forme de repli sur eux-mêmes. Au contraire, l’absence de peur dans ce qu’elle peut nous inciter à faire dans l’excès au-delà de notre capacité à gérer les situations, n’est pas recommandable non plus.

Au fond, je ne sais pas si la situation de Yoda est la bonne. Que la peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la haine mène à la souffrance n’est qu’une possibilité parmi tant d’autres si nous manipulons mal cet outil formidable qu’est la peur. Et il se peut très bien que d’autres, comme ici les terroristes, veulent jouer sur notre niveau de peur, pour nous empêcher de pouvoir dépasser ce sentiment et d’être du coup incapable de la maîtriser. Finalement, tout ce blabla que je vous sers depuis déjà plusieurs dizaines plusieurs lignes peut être résumé, plus ou moins, par ces deux formidables citations :

« Le courage n’est pas l’absence de peur, mais la capacité de la vaincre. »

« Je ne connaîtrai pas la peur, car la peur tue l’esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l’oblitération totale. J’affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu’elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n’y aura plus rien. Rien que moi. »

Pour conclure, mon incantation personnelle : « Je ne cède pas face à la peur, je l’absorbe, je la comprends, j’aiguise mon intuition, ma vigilance et ma concentration au fil de sa lame. Puis je prends une inspiration, et je vais de l’avant! ». Puis-ce cette incantation me servir tout les jours, à chacune de mes décisions!

Live on V!

E-Penser sur les probabilités et l’infini

« Et c’est ça qu’il y a de vertigineux avec l’infini. L’infini c’est une notion qu’on a tous l’impression qu’on appréhende à peu près mais quand on y est confronté, c’est juste impossible. Le vertige de l’infini, c’est cette bascule entre l’idée qu’on se fait de l’infini et la totale irréalité de ce qu’il est. »
– E-penser

Sans aller jusqu’à l’infini, il y a des grandeurs qui sont difficiles à appréhender. Des chiffres qu’on a peur de compter, qu’on a peur de calculer. Des chiffres en constante évolution, en constante dynamique, qui ne s’arrête jamais. On pourrait s’arrêter sur un instant, sur une tranche temporel et compter. Puis il faudrait multiplier par le nombre de minutes, nombre d’heures, nombre de jours selon la fréquence. Il y a là quelque chose d’irrationnel dans le sens où si nous n’utilisons pas d’informatique nous sommes vite dépassé par ces nombres. Et nous ne pouvons passer notre vie à rester sur ces nombres.

Mais si il fallait garder une grandeur en tête, ce serait celle du nombre d’animaux tués chaque jour, chaque semaine, chaque mois, chaque année. A partir du moment où vous avez commencé à lire ces lignes jusqu’à ce point-ci, il y a probablement des milliers d’êtres vivants sentients qui ont été tués, ou qui sont naît dans nos exploitations pour y vivre une vie de misère.

Je me rappelle l’année dernière avoir travaillé dans une usine d’oreillers. De m’être arrété devant les hangars remplis de ballons de 150 kilos de plumes chacun. Des hangars avec au moins 200 sacs. Se demander combien un animal a de plumes, avec quel poids. Écouter les responsables parler de canards comme si il s’agissait de produits. De sentir le sang, la merde et la pourriture de la chaire provenir des camions de ravitaillements.

Alors oui, je peux comprendre que nous essayons un temps soit peu de rationaliser. De réduire le véganisme, ou même le végétarisme, à des choix personnels. De dire qu’il s’agit là d’un processus normal, naturel. De croire que l’on peut comparer de manière totalement égale le comportement dominateur d’autres animaux par rapport au notre. De chercher des justifications, comme le goût, les commodités sociales, le manque de motivation, les traditions, etc… De trouver des biais dans le raisonnement des véganes, qu’il soit abolitionniste ou welfariste.

Même à l’intérieur du véganisme, nous passons du temps à réfléchir, à déconstruire, à intellectualiser des pratiques pour ensuite les dénoncer. On parle d’éthique animal, de considération morale des êtres vivants sentients. On fait des fiches pour décrire les processus d’exploitation, pourquoi nous ne pouvons accepter l’utilisation des vaches et des chèvres pour le lait, de la peau des animaux pour la fourrure, la laine ou le cuir. Pourquoi il devrait y avoir des alternatives aux tests sur les animaux, etc… Nous essayons de définir ces courants en un mot, une phrase, une définition, quelques lignes.

Et pour les chiffres, on pourrait aussi relativiser en comptant le nombre d’humains morts, ou des maladies choppées, ou des accidents survenus durant ces mêmes laps de temps. Nous pourrions calculer les autres morts d’animaux non humains qui ne sont pas le fruit direct de nos actions sur l’environnement ou de notre exploitation. Le nombre d’espèces en voix de disparition, etc…etc…

Cependant n’oublions pas. Des ordres de grandeurs. Des privilèges. Des responsabilités. Vous pouvez ignorer tout cela, revenir à une vie insouciante avec une totale indifférence. Ou vous pouvez tout remettre en question, explorer des alternatives, demander à ce que des actes soient posés politiquement. Nous ne pouvons pas vivre éternellement une vie dans l’indifférence générale.