Pourquoi je ne veux plus voter

Quand j’étais petit, je me souvient que j’avais hâte d’être majeur pour aller voter. Parce que c’était un droit fièrement acquis. Parce que c’était un signe de responsabilité. Parce que voter c’était pour les grands.

Mon premier vote fut pour les législatives européennes. Je me souviens être allé à une conférence des verts clermontois à ce moment-là. Europe Ecologie avait le vent en poupe à ce moment-là. Ce soir-là, je fus assez convaincu de leurs prestations : ils parlaient de leur minorités dans les conseils d’administrations et autres centres de pouvoirs, ils parlaient du profit face à la qualité des produits, du besoin incessant d’hygiénisation des aliments en utilisant des pesticides, des lasers (et un autre truc), détruisant le goût et la valeur nutritionnelle, afin de rendre plus vendeur. On sentait des engagés derrière prêt à changer la face. J’ai donc voté Europe Ecologie à cette époque.

Mon deuxième vote fut pour les présidentielles. Poussé par ma soeur, je suis allé à l’ambassade de Berlin pour faire ma procuration et j’avais fait le choix de François Bayrou, choix respecté par mon frère. Malgré le manque de soutien autours de lui, je sentais un homme capable de cohérence et de réflexions, capable d’une diversité et de sens de la réalité. J’ai donc voté pour François Bayrou.

Il y eut le second tour, et ce soir le premier tour des législatives. Je vous parle d’intégrité, de discipline personnelle, mais la réalité là voici : je ne suis pas allé voter parce que j’avais la flemme de faire ma procuration à la gendarmerie. De me déplacer, de bouger pour voter. C’est une façon de voir les choses.

Voici une seconde façon de voir les choses : je me sens de moins en moins concerné par la politique, au point où j’accorde de moins en moins d’importance au processus démocratique. Ne vous trompez pas : poussez par mon frère et ma mère, je vais aller la faire cette procuration pour le second tour.

Mais voilà la troisième façon de voir les choses : je me sens lobotomisé par la famille, les médias, la société, la politique, par les répétitions incessantes, par la bonté hypocrite, par cette société de consommation. Oh oui, on m’a dit que j’étais une personne intelligente, mais dans les faits j’agis souvent par habitude, robotisation de ma pensée et de mes actes. J’en suis même arrivé à un point où je ne pensais arriver à rien faire par moi-même, dénué de tout pouvoir réel et qu’il me faut aujourd’hui remettre dans mes veines par coup de discipline, d’objectifs, de positivité.

Aujourd’hui le droit de vote me semble un de ces pouvoirs factices qu’on donne aux gens pendant qu’on leur enlève toutes sources de pouvoir. La même notion de droit prend même pour moi une notion de confort, de paresse intellectuelle, ces droits que les gens brandissent sans lutter, sans combat pour obtenir une certaine force. Tout s’obtient facilement, les gens ne font plus autant d’efforts, ou si mais justement pour obtenir le peu de pouvoirs qu’ils n’ont pas encore. Enfin c’est plutôt une tendance aux moindres efforts, à la moindre pensée.

Quand on voit les résultats à la télé, on ne voit que statistiques. Les politiques ne voient plus que des chiffres.  « il y a 95% de cons et c’est à eux que je m’adresse et là, je ramasse. » disait Georges Fréche, n’est-ce pas? Et le marketing pareil! On nous case dans notre identité, on nous définit tout le temps, on veut nous rendre prévisible. ça me rend malade, parce que je me sens sali par le système, parce que je pleurs de voir mes proches aussi lobotomisé. Il y a une force chez moi que j’oublie de plus en plus : la conscience de mon existence. Celle qui est au fond la seule caractéristiques qui définit d’une manière à peu près constante mon identité. Je vis cette vie, je la ressens. Et je me sens sali, prisonnier, obsédé par ces mots qu’on nous met sous le nez : bac, études, travail, réussites, mariage, famille. J’ai l’impression de ne me sentir qu’à travers des prismes de réussites/failures. J’en deviens jaloux de choses ridicules : le sexe, les amis sur facebook, le permis de conduire. J’en détruis ma propre estime parce qu’à chaque fois que je dois me comparer par rapport aux autres, je suis un constant échec.

Je n’ai plus envie de voter parce que le système me dégoûte, parce que le droit de vote ressemble à la carotte de l’âne, au joujou qu’on nous donne pour nous calmer.

Je n’ai plus envie de voter parce que j’en m’en fous de la société, des gens autours de moi. Terriblement. Il n’y a très peu de gens à qui je porte une réelle estime.

Que le droit de vote ne va rien changer à mon attitude, à ces définitions de moi redondantes, juste une illusion d’être responsable et grand pour une fois. Je n’ai pas voté parce qu’au fond, je m’en fous complétement, parce que ça me fera pas en sorte de devenir engagé dans quelque chose. Parce que ce n’est pas le vote qui changera la face du moi-nde.

Bref je m’arrête ici, j’ai envie de garder un semblant d’optimisme pour dormir.

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